L’effet des AUT sur le microbiote

Aliments ultra-transformés et microbiote intestinal : dysbiose, inflammation et axe intestin-cerveau

L’intestin, avec ses milliards de micro-organismes formant le microbiote (ou flore intestinale), est reconnu aujourd’hui comme un acteur central de l’immunité, du métabolisme et même de l’humeur. Ce « deuxième cerveau » fonctionne en équilibre délicat.
Or, la consommation régulière et élevée d’Aliments Ultra-Transformés (AUT) est l’un des facteurs environnementaux les plus puissants susceptibles de perturber cet écosystème fragile, conduisant à ce que l’on nomme la dysbiose. Comprendre cette interaction est fondamental pour saisir l’étendue de l’impact des AUT.

La dysbiose : un déséquilibre fonctionnel

Le microbiote est sain lorsqu’il est diversifié et que les populations de « bonnes » bactéries dominent. La dysbiose, caractérisée par une réduction de cette diversité et une prolifération d’espèces potentiellement pathogènes, est une conséquence directe de l’alimentation moderne riche en AUT.

Les AUT contribuent à la dysbiose de deux manières principales :

  1. Absence de fibres prébiotiques : les AUT sont souvent très pauvres en fibres alimentaires, qui constituent la nourriture essentielle (les prébiotiques) des bactéries bénéfiques (notamment celles qui produisent des acides gras à chaîne courte, comme le butyrate). Sans cette source d’énergie, ces bactéries essentielles déclinent.
  2. Surabondance de sucres et graisses raffinées : ces composants favorisent la croissance de bactéries opportunistes ou pro-inflammatoires, modifiant l’environnement biochimique de l’intestin.

L’agression des additifs

Certains des ingrédients de formulation mentionnés dans l’article sur le décryptage des étiquettes exercent un impact direct et particulièrement préoccupant sur la barrière intestinale.

  • Les émulsifiants : des études précliniques ont fortement suggéré que certains émulsifiants couramment utilisés (polysorbate 80, carboxyméthylcellulose) peuvent dégrader la couche de mucus qui protège la paroi intestinale. Cette dégradation réduit la distance entre les bactéries et les cellules épithéliales, favorisant l’inflammation.
  • Les édulcorants intenses : bien que non caloriques, certains édulcorants (comme la saccharine ou le sucralose) ont été associés à des changements dans la composition du microbiote, pouvant potentiellement altérer la tolérance au glucose et participer aux troubles métaboliques.

La perméabilité intestinale et l’inflammation chronique

La dégradation de la couche de mucus et les effets inflammatoires des additifs peuvent conduire à une augmentation de la perméabilité intestinale,.

Lorsque la barrière devient perméable, des fragments bactériens, des toxines ou des molécules alimentaires non digérées peuvent traverser la paroi intestinale et pénétrer dans la circulation sanguine. Le système immunitaire réagit alors, déclenchant une inflammation systémique de bas grade. Cette inflammation chronique est un dénominateur commun à la plupart des maladies chroniques, comme le diabète, les maladies auto-immunes et les troubles cardiovasculaires, reliant ainsi le contenu de l’assiette à la maladie via l’intestin.

L’axe intestin-cerveau

Les perturbations du microbiote ne restent pas confinées à l’abdomen. Les AUT peuvent influencer l’axe intestin-cerveau, un système de communication bidirectionnel entre le tube digestif et le système nerveux central.

Un microbiote déséquilibré peut affecter la production de neurotransmetteurs (comme la sérotonine, dont une grande partie est produite dans l’intestin) et de molécules de signalisation. C’est l’une des raisons pour lesquelles la consommation d’AUT est corrélée aux troubles de l’humeur, à l’anxiété et potentiellement aux déficits cognitifs, comme évoqué dans l’article précédent.

Conclusion

Le microbiote intestinal est une victime silencieuse de l’ultra-transformation alimentaire. Sa dérégulation est un mécanisme clé expliquant comment les AUT exercent leurs effets délétères sur l’ensemble de l’organisme. Cependant, l’impact des AUT ne s’arrête pas à notre biologie personnelle.

Le prochain article élargit notre perspective en examinant les conséquences plus vastes de cette industrie sur les plans socio-économique et environnemental.

LES ARTICLES du dossier :

La classification NOVA
Le décryptage des étiquettes
La santé en danger
Quand l’intestin souffre
Du champ à l’assiette
Comment réduire les AUT